La raréfaction des ressources naturelles nationales, conjuguée à l’augmentation de la demande, amène la Tunisie à s’engager dans une transition énergétique. C’est dans ce cadre qu’une étude, proposée par l’ANME, a été réalisée et qui porte sur le mix énergétique pour la production d’électricité en Tunisie sur la période 2009-2030.
D’après les recherches effectuées, dans le cadre de la réalisation de cette étude, le prix du gaz va – selon les estimations moyennes -augmenter de 62% au cours de 20 prochaines années, voire même de 175% selon les estimations hautes. D’autres énergies primaires peuvent jouer un rôle dans le mix électrique: le charbon, dont le prix pourrait rester relativement stable, les estimations hautes envisageant cependant une augmentation modérée de 45% des prix en 20 ans.
Enfin, l’uranium dont le prix est susceptible de connaitre des augmentations variant entre 40% et 65%. Il est cependant à souligner que la Tunisie n’a de réserve ni en charbon ni en uranium, alors que l’ensoleillement et les conditions de vent sont très favorables pour le développement des énergies renouvelables.
Concernant la demande d’électricité, elle a été établie dans le cadre d’un groupe de travail qui a élaboré différents scénarios de développement économique, tenant compte des nouvelles circonstances actuelles et des défis futurs de la Tunisie, ainsi que des scénarios d’évolution de l’intensité électrique à l’horizon 2030, basé essentiellement sur le degré de développement des politiques d’efficacité énergétique en Tunisie. Cet exercice de prospective a mené au choix d’un scénario dont le profil énergétique conduit à l’horizon 2030 à une demande d’électricité d’environ 33260 GWh, soit un triplement de la demande en 20 ans. La pointe de charge augmenterait en moyenne de 5,4% par an jusqu’en 2030, atteignant alors de 8710 MW.
L’étude présente sept technologies qui pourraient contribuer d’une manière significative à la production d’électricité en Tunisie : les centrales à gaz (cycle ouvert et cycle combiné), les centrales à charbon, les centrales nucléaires, les centrales solaires (technologie photovoltaïque et thermo-solaire) et les parcs éoliens. Pour chaque technologie, un screening des paramètres techniques et économiques, ainsi qu’une analyse des critères socio-économiques et environnementaux a été effectué. Les résultats de cette analyse ont été utilisés comme paramètres dans la modélisation des scénarios. Outre les technologies de production, l’étude donne également un aperçu sur les potentialités d’application des nouvelles méthodes pour les réseaux modernes en Tunisie, comme les systèmes de stockage ou le concept des « smart grids ».
Le mix électrique tunisien dépend actuellement à 95% du gaz et le parc électrique est composé essentiellement de turbines à vapeur, de turbines à gaz CO et à cycles combinés.
La part de ces dernières dans le mix va augmenter jusqu’en 2015, d’après la planification de la STEG. Cette situation est délicate car la Tunisie est passée en 2001 du statut de pays exportateur de gaz à celui d’importateur, posant des défis au niveau de l’approvisionnement en énergie. La Tunisie dispose cependant d’un potentiel important de production d‘électricité à partir des énergies renouvelables, dont la mobilisation reste tributaire de l’adaptation du cadre règlementaire et juridique existant, d’une part, et du développement du réseau et de l’interconnexion électrique, d’autre part.
Enfin, l’étude a porté sur un travail de modélisation et d’analyse de scénarios. Le modèle utilisé est basé sur le modèle énergétique DEESY développé par l’Institut Wuppertal. Différents scénarios réalistes ont été au préalable discutés avec les principales parties prenantes du secteur électrique tunisien, à savoir:
- un scénario renouvelable
- un scénario marqué par le charbon (à partir de 2020)
- un scénario marqué par le charbon et les énergies renouvelables
- un scénario nucléaire (à partir de 2025)
- un scénario de référence (Business As Usual, BAU)
Ces scénarios, qui se distinguent par la part de chaque technologie dans le mix électrique, ont alors été définis puis introduits dans le modèle du mix énergétique tunisien qui prend en compte de nombreux critères technico-économiques, les impacts environnementaux, les orientations stratégiques, les effets socio-économiques ainsi les risques économique, technique et technologique.
Chacun des cinq scénarios est exposé au défi de couvrir la demande électrique tunisienne qui va pratiquement tripler d’ici 2030. Cela nécessite à la fois des investissements financiers très importants mais aussi une demande conséquente en ressources énergétiques.
Ainsi, selon le scénario, les investissements nécessaires pour les nouvelles capacités de production varient entre 3,9 et 6,2 milliards d’euro. Comparé à la situation actuelle, les coûts totaux pour la production électrique augmentent fortement. S’ils sont similaires dans la plupart des scénarios, les coûts totaux varient fortement selon que les coûts environnementaux ou alors les coûts hypothétiques d’une assurance couvrant les risques techniques sont inclus dans le calcul. En effets, les coûts totaux s’élèvent entre 16,7 et 17,4 milliards d’euros hors coûts externes et entre 21,3 et 21,9 milliards d’euros en incluant ceux-ci. En prenant compte des coûts liés à une possible catastrophe nucléaire, les coûts totaux pour la production électrique dans le scénario de diversification nucléaire augment considérablement, atteignant 35,7 milliards d’euros.
Jusqu’en 2030, aucun des scénarios étudiés ne parvient à réduire de façon absolue la demande en énergie non renouvelable. L’augmentation de la demande d’énergies fossiles et des émissions liées en gaz à effet de serre est nettement atténuée uniquement dans le scénario ayant une forte proportion d’énergies renouvelables.
Seuls les scénarios de diversification charbon permettent de réduire la demande absolue en gaz naturel par rapport à 2009, soit environ -20% jusqu’en 2030. Toutefois, cela n’est possible qu’au prix d’une dépendance plus grande vis-à-vis du charbon, qui doit être importé. Ainsi, les scénarios à charbon n’apportent pas de réelle contribution à l’indépendance énergétique de la Tunisie.
Sans une politique plus volontariste de maitrise de l’énergie, il est très difficile de réduire l’impact environnemental ainsi que les coûts. Dans les scénarios faisant appel au charbon ou au nucléaire, les émissions de dioxyde de souffre et de poussières fines ou la production de déchets radioactifs génèrent des problèmes environnementaux graves et inconnus dans le mix électrique actuel.
L’étude montre que comparées au scénario de référence les stratégies de diversification pourraient améliorer les critères pris en compte, y compris ceux qui sont difficilement ou non quantifiables. Toutefois, du fait de la multitude d’indicateurs pris en compte, il est difficile de faire une évaluation finale des scénarios présentés. Lors d’un atelier organisé le 17 Janvier 2012 avec des parties prenantes tunisiennes, quatre groupes de critères ont été identifiés comme déterminants dans le choix du mix optimal: les coûts, la sécurité d’approvisionnement, le taux d’intégration locale et l’environnement.
L’approche adoptée ici est donc un classement normalisé et pondéré des scénarios basé sur les préférences des parties prenantes. Il en résulte le suivant :
- Le scénario « énergies renouvelables » obtient la meilleure note globale. Ce scénario est le plus équilibré de tous et a de bons résultats dans les quatre groupes de critères cités précédemment. Cela est dû en particulier aux effets positifs sur l’emploi, au faible impact environnemental et à la faible demande en énergies primaires.
- Dans le classement global suivent les deux scénarios « charbon », qui se distinguent positivement par les coûts et la sécurité d’approvisionnement; bien que l’impact sur l’environnement soit relativement mauvais et le taux d’intégration locale faible.
- L’avant dernier scénario est le scénario « Business As Usual », qui a un coût favorable et du fait de ses faibles émissions un impact environnemental faible.
- La dernière place du classement revient au scénario de diversification nucléaire. La pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre sont faibles, mais les déchets radioactifs pèsent sur l’impact environnemental. De plus, le taux d’intégration locale est bas, de même que la contribution à la sécurité d’approvisionnement. Le mauvais résultat global s’explique aussi par les coûts importants liés à une catastrophe nucléaire.