La Constitution de 1979, qui n’est plus en vigueur, prévoyait l’enseignement des «langues aborigènes». En effet, à l’article 35, on lisait le texte suivant:
1) L’État promeut l’étude et la connaissance des langues aborigènes.
2) Il garantit le droit des communautés quichua, aymara et des autres communautés indigènes à recevoir l’enseignement primaire aussi dans leur propre langue ou idiome propre.
Cette disposition constitutionnelle semblait claire: l’État garantissait à certaines communautés un enseignement au niveau primaire des langues autochtones. En réalité, cet enseignement ne fut possible qu’à quelques communautés linguistiques importantes, comme le quechua, l’aymara, l’arawak, le penoan, etc. On comprendra qu’il serait difficile d’enseigner à des enfants dont le nombre total des locuteurs n’atteint même pas la centaine. Ainsi, l’enseignement des langues indigènes n’est permis qu’au niveau primaire. Il est interdit au secondaire et à l’université.
La Constitution de 1993 prévoit, de son côté, à l’article 17, ce qui suit:
L’État garantit l’éradication de l’analphabétisme. Il promeut aussi l’éducation bilingue et interculturelle, conformément aux caractéristiques individuelles de chaque région. Il préserve les diverses manifestations culturelles et linguistiques du pays. Il promeut l’intégration nationale.
Il faut bien comprendre que l’«éducation bilingue et interculturelle» dont il est question ici ne concerne que les autochtones, pas ceux qui parlent l’espagnol comme langue maternelle. Autrement dit, l’État ne promeut le bilinguisme comme vertu que pour les seuls autochtones. En fait, le système péruvien, lorsqu’il est bilingue, fait en sorte que les enfants commencent en «langue aborigène» pour apprendre graduellement l’espagnol, de telle sorte qu’au secondaire ils puissent s’exprimer à l’école seulement en espagnol. Bref, l’enseignement n’est pas destiné à conserver les langues autochtones, mais à mieux alphabétiser les enfants pour les faire passer plus rapidement à l’espagnol, c’est-à-dire dès le secondaire. De plus, les parents ne disposent d’aucun choix, sauf s’il s’agit d’écoles privées (pour les riches) dans lesquelles on enseigne l’anglais, le français ou l’allemand.
En fait, même si l’article 17 de la Constitution stipule que l’État doit favoriser «une éducation bilingue et interculturelle», l’enseignement se déroule principalement en espagnol et de nombreux groupes autochtones n’ont jamais reçu et ne reçoivent pas d’enseignement dans leur langue, notamment en raison de la pénurie d’enseignants ou de manuels scolaires à peu près inexistants. Comme certains groupes linguistiques ne se composent que de quelques centaines de locuteurs, il apparaît pratiquement impossible de garantir une éducation dans ces langues peu connues et carrément en voie d’extinction. Dans l’état actuel des choses, l’enseignement en langue autochtone demeure plus une exception qu’une réalité. Cela n’a pas empêché le gouvernement péruvien d’officialiser, par la Resolución Ministerial du 18 novembre 1985, no121-85-ED, l’alphabet du quechua et de l’aymara, le tout conformément aux normes de l’orthographe et de la ponctuation de ces langues. La Résolution ministérielle comprenait trois aspects:
1) Officialiser l’alphabet quechua et aymara, ainsi que les normes d’orthographe et de ponctuation, afin que les écritures quechua et aymara soient approuvées comme modèles pour le quechua et l’aymara.
2) Incorporer comme partie intégrante de la présente résolution le document de travail en ce qui a trait aux alphabets quechua et aymara, ainsi qu’aux règles d’orthographe et de ponctuation.
3) Charger l’Institut national de la culture (Instituto Nacional de Cultura) de l’édition et de la diffusion dudit document de travail.