Merci, concept store solidaire

http://www.merci-merci.com/fr/

Il manquait à Paris un lieu qui réunisse le meilleur de la mode, du design et des objets pour la maison et de lieux de restauration accueillants.

Quand commerce et philanthropie font bon ménage

Merci, concept store solidaire. Ni charity store, ni grand magasin ; pas même concept-store. Merci, l’enseigne créée par Marie-France Cohen, ne rentre dans aucune case. Et pour cause, le concept est à l’image du lieu et de son offre : inclassable.

Atypique à force d’éclectisme et de métissage des cultures et des tendances. A commencer par sa double finalité, commerciale et philanthropique. Pour remplir sa vocation première – financer des projets sociaux par le biais d’une fondation –, Merci doit d’abord dégager des bénéfices. D’où la nécessité d’appuyer le concept et son fonctionnement sur un business model solide ; apte, comme le résume la fondatrice, “à en faire un succès commercial pour, ensuite, redonner”.

Pour y parvenir, l’enseigne a eu recours aux codes de ce que Michel Gutsatz appelle “le nouveau luxe parisien”. Surtout pas ostentatoire mais empreint de simplicité et de mixité. Résultat : une offre mêlant produits d’usage et pièces de designers, une adresse loin des clichés parisiens, un marketing plus suggéré que martelé et, à l’arrivée, un lieu à part qui, en trois ans, se sera hissé du rang de magasin multimarque à celui de véritable référence…

111 boulevard Beaumarchais, dans le IIIe. Entre République et Bastille, mais plus près de République que de Bastille. Adresse à première vue quelconque dans un quartier lambda. A première vue seulement. Une fois passé la cour pavée, ses rosiers grimpants, sa Fiat 500 customisée, plus besoin de nous faire un dessin. Les 1?200 m² de showroom et leurs six mètres de hauteur sous plafond assortis de vitres d’ateliers surdimensionnées livrent résolument l’esprit du lieu et son positionnement hors catégorie. On est chez Merci, le concept store solidaire créé il y a un peu plus de trois ans par Marie-France Cohen.

A l’intérieur, trois espaces de restauration – dont un salon de thé librairie et, depuis peu, un ciné-café avec projection de classiques et de films d’art et d’essai – et des mètres de linéaires épurés mixant vêtements de créateur, bougies Annick Goutal et bijoux du type “Ginette from New York” avec des verres Duralex et des bracelets en liberty. Sélection rigoureuse, ensemble soigné et résultat inclassable. Au point que l’enseigne en devient difficile à labéliser. Seule certitude, ce n’est ni un charity store, ni un grand magasin. Pour Jean-Luc Colonna, responsable du pôle maison et du marketing, ce n’est même pas un concept store mais un lieu de vie, “éclectique et inspirant”.

Ce premier « charity shop » à la française se veut aussi un lieu tendance où des vêtements de marques branchées (Stella McCartney, Isabel Marant, Barbara Bui, Forte-forte, Seven and Acne, ou Paul et Joe) côtoieront des pièces chinées. « Nous espérons attirer de jeunes créateurs. L’objectif étant de créer un univers original ».

Les marques associées se sont engagées dès maintenant à reverser 10 % du chiffre d’affaires à la fondation de Madagascar.
Il ne s’agit pas d’un simple concept store. C’est bien plus. La maison Merci incarne un véritable style de vie, simple et sophistiqué à la fois.
Histoire d’un lieu de vente pas comme les autres et du projet qui, bien que “ne paraissant pas viable sur le papier” l’aura, en trois ans, hissé au rang de référence.

Humanisme et rentabilité

A l’origine de tout, il y a Bonpoint – la marque de luxe pour enfants que l’on ne présente plus – et l’idée de sa fondatrice, Marie-France Cohen, de faire de son succès commercial un tremplin vers autre chose. Une idée qui mûrit et prend forme il y a cinq ans, lorsque Marie-France Cohen et son mari vendent – “très bien” – Bonpoint au groupe Rothschild. “Nous avions fondé la marque en 1969, elle était devenue un succès et parvenus à la soixantaine, nous étions prêts pour autre chose. Un nouveau projet entrepreneurial.”

Ce sera donc “Merci”. Autre concept pour une autre ambition. Très vite, une autre succes story. Seule différence, majeure, la finalité de ce succès, surtout son caractère philanthropique. “Nous voulions investir dans une belle affaire et redonner, explique la fondatrice. Surtout, nous voulions donner sans faire appel au don ; en créant un lieu magique, une ambiance différente et en dégageant des bénéfices.

Le lancement passe donc par deux étapes : achat des murs boulevard Beaumarchais et création d’une fondation, seule structure à même, selon Marie-France Cohen, de gérer librement les dons et leur redistribution. “Merci est une entreprise comme les autres créée par des actionnaires pas comme les autres car le capital n’est pas rémunéré”, résume Jean-Luc Colonna.

En clair : si, pour l’heure, les versements effectués à la fondation l’ont été sous forme de dons, dès que l’entreprise dégagera des dividendes – ce qui devrait être le cas à la fin de l’année -, ces résultats, une fois les salaires et frais fixes couverts, serviront uniquement à rémunérer le fonds. “Le principe est simple : les actionnaires gèrent le risque mais n’empochent pas les dividendes, poursuit Jean-Luc Colonna. Ceux-ci sont versés au fonds qui est comme usufruitier de Merci.”

Unique bénéficiaire de ce système de financement inédit, l’association ABC Dominos a été choisie pour deux raisons?: son ancrage à Madagascar – pays que Marie-France Cohen connaît bien pour y avoir sous-traité beaucoup de travaux de couture et de broderie du temps de Bonpoint – et sa vocation à mener à bien des projets concrets : la construction d’écoles et l’entière gestion de leur fonctionnement, du recrutement des enseignants à leur rémunération.

Je connais bien Madagascar, la gentillesse des gens qui y vivent et leur extrême misère, il m’a semblé naturel de redonner à un pays qui avait contribué au succès de Bonpoint, explique Marie-France Cohen. Et je voulais le faire au moyen de projets à taille humaine, vérifiables et très pragmatiques.”

En 2011, 40 000 euros seront ainsi versés à l’association par Merci et sa fondation, permettant de financer la moitié d’une école et cette année, 90 000 euros seront consacrés à la création de cantines destinées à nourrir chaque jour 900?écoliers. “C’est cela que nous voulions mon mari et moi, conclut Marie-France Cohen. Un projet humain et créatif.” Dont la viabilité dépend, on l’aura compris, de la rentabilité du business model Merci. D’où cette ambition collective clairement affichée : “Faire de l’enseigne un succès commercial et, ensuite, redonner.” Même si certains de ses fournisseurs choisissent de contribuer directement au fonds, Merci n’est pas un charity-store.

Ni charity store, ni grand magasin

Chloé Prigent confirme. Directrice de clientèle au sein de l’agence spécialisée en stratégie et identité de marque 4uatre, elle connaît bien l’enseigne pour avoir collaboré à son lancement. Pour elle, c’est dans cette double finalité, à la fois commerciale et philanthropique, que réside toute l’originalité du business model. “Les gens ne vont pas chez Merci pour faire une b.a, souligne-t-elle. La dimension vertueuse de l’achat est un plus et c’est là toute la force de la marque. La particularité de Merci tient d’abord dans ce caractère atypique qui fait qu’il ne s’agit ni d’un charity store – qui, comme Emmaüs, vend des articles de “seconde main” – ni d’un magasin traditionnel, mais du premier concept store solidaire.”

En interne, Jean-Luc Colonna nuance. “Un concept store a une cible ou un sujet très précis qu’on exploite à fond en excluant tout le reste. Nous c’est le contraire, notre liberté de choix nous permet une attitude éclectique évitant toute forme d’enfermement.” Résultat : Merci est devenu un lieu où l’on va “voir ce qui se passe” ; que l’on visite régulièrement, par curiosité et plaisir, même s’il se situe boulevard Beaumarchais, “à l’autre bout du monde”. Ce qui, selon lui, en fait un authentique “destination store”. “Le fait que nous accueillions un million de visiteurs par an, que 40?% de nos clients soient étrangers, prouve bien que nous sommes devenus une destination, conclut-il. Et c’est d’ailleurs ce qui explique que l’on continue à croître.”

A l’origine de ce pouvoir d’attraction, l’offre bien sûr, mais aussi et surtout, tout ce qui l’entoure et permet de la mettre en scène. A commencer par le lieu, un ancien showroom perdu dans un quartier sur lequel, il y a quatre ans, personne n’aurait parié. “Au début nous avions tout le monde contre nous, se souvient Marie-France Cohen. On nous répétait : “boulevard Beaumarchais, ça ne marchera jamais, il n’y a que des marchands de cycles !””, se souvient-elle.

Qu’importe. La fondatrice de Bonpoint et Merci le dit, elle a toujours laissé “une part d’irrationnel” guider ses choix. Une dimension intuitive dans laquelle elle voit la liberté de l’entrepreneur. Celle-là même qui lui permet aujourd’hui “d’investir l’argent librement” pour, à l’arrivée, créer un lieu à part. “Mon idée était d’inventer un endroit qui ne soit pas un ghetto mais qui offre de tout, du plus simple au plus sophistiqué, du plus haut de gamme au plus accessible, explique-t-elle. Un lieu éclectique. Ce mélange, cette absence d’enfermement dans un segment, le fait qu’ici, on ne soit ni avenue Montaigne, ni sur les Grands Boulevards, c’est l’ADN de Merci.”

Un ADN qui transparaît dans chaque facette de son business model. A commencer par le choix de cet emplacement au cœur d’un Paris ni canaille, ni mondain qui, à lui seul, résume le positionnement “hors catégorie” de l’enseigne et son goût revendiqué du mélange des genres.

Les nouveaux codes du haut de gamme : métissage et simplicité

Pour Michel Gutsatz*, directeur des MBA Euromed Management (business school de Marseille) et consultant en stratégie de marques spécialiste du luxe, une chose est certaine : que la fondatrice de Bonpoint, marque bobo et haut de gamme par excellence, ait choisi le boulevard Beaumarchais pour sa reconversion entrepreneuriale ne peut être le fruit du hasard. “Cet emplacement est hautement stratégique, explique-t-il. On n’y est ni dans le Marais – trop parvenu – ni à Bastille – trop déjà vu – mais au milieu de tout. Au cœur du quartier de Paris qui bouge le plus, dans une zone en mutation où beaucoup de métiers créatifs – d’arts, de graphisme… – viennent s’installer dans d’anciens lieux ouvriers pour créer un espace urbain de métissage entre un Paris intellectuel et un Paris populaire.” Pour lui, avoir choisi ce quartier plutôt qu’un autre est un coup de maître qui en dit long sur le positionnement de l’enseigne. “C’est à la fois une promesse de métissage et une sorte de parti pris premium qui ne dit pas son nom, poursuit-il. Une forme de nouveau luxe parisien ; surtout pas ostentatoire, mais empreint d’une dimension de simplicité extrêmement efficace.”

Une mutation de la notion de haut de gamme que, selon Michel Gutsatz, la fondatrice a parfaitement su identifier et exploiter. “Pour Marie-France Cohen, être passée du VIIe à République est le comble du bon goût ; c’est le reflet d’une certaine mutation de la bourgeoisie française et, avec elle, d’une nouvelle forme de haut de gamme.” Une reconversion qui se retrouve dans tous les aspects de l’offre Merci. “Ici, comme chez Bonpoint, on est allé puiser dans les racines de la tradition française, dans le simple, l’authentique – que cela s’exprime dans les œufs à la coque de Merci ou dans la blouse vichy de Bonpoint – si bien que, d’une enseigne à l’autre, l’expression du haut de gamme mute mais l’inspiration reste la même.”

Et tant mieux si, boulevard Beaumarchais, celle-ci s’enrichit d’une dimension cosmopolite clairement affirmée : le métissage – d’inspirations, de genres, d’origines… – s’inscrit, lui aussi, dans l’air du temps. Surtout s’il est mis en scène conformément aux codes du moment : ouverture, éclectisme et surtout, sobriété. “Le chic absolu, aujourd’hui, c’est la simplicité. Or chez Merci on est dans une forme de luxe simple, responsable et accessible.”

Dans du haut de gamme habilement désacralisé : par l’adresse, les plats à la carte – que du simple, du frais, du terroir, avec juste ce qu’il faut de touches exotiques pour ne pas tomber dans la tendance Amélie Poulain, trop “déjà vue” – la décoration et l’aménagement des lieux, sans cloisons ni ascenseurs mais sous la forme d’un vaste espace ouvert façon loft et jusqu’aux sacs dans lesquels le consommateur emportera ses achats : en papier recyclé et porteurs du message “merci, de votre achat, de votre sourire, de votre temps…”. Responsable, valorisant, branché. Parfait. “Merci c’est le haut de gamme allié à l’anti-ostentatoire, conclut Michel Gutsatz. Un nouveau chic parisien fait de métissage, de simplicité, de responsabilité qui, à l’arrivée, donne un concept très porteur parce que complètement dans l’air du temps.” Au point que, pour certains, l’enseigne s’est érigée, en quelques années, au rang non seulement de marque à part entière mais aussi d’icône d’un certain art de vivre. De référence.

Une offre basée sur l’alliance des contraires et sur la subjectivité

Chloé Prigent fait partie des convaincus. “Il y a un art de vivre à la Merci, c’est évident, estime-t-elle. Cela tient au fait que Marie-France Cohen et son équipe ont réussi à en faire une marque caution. Partout on sait que, dès lors que cela vient de chez Merci, c’est de bon goût.” Une forme de garantie perçue qui, non seulement protège l’enseigne de toute concurrence sérieuse mais qui lui permet surtout d’être perçue autrement qu’un distributeur multimarque… Pour Jean-Luc Colonna, la terminologie exacte est celle d’“un magasin de grande taille composé de petits espaces où les marques et les produits se juxtaposent”.

Une définition qui résume tout l’esprit de l’offre Merci et, par là même, sa stratégie en matière d’approvisionnement. “Nous choisissons les produits un par un mais aussi les uns par rapport aux autres, explique-t-il. C’est cela la spécificité de Merci : oser réunir dans un même espace des produits très différents.” Aussi bien en matière d’origine que de niveau de prix en mixant des produits d’exception et d’autres très accessibles, des pièces de designer et des anonymes, du vintage et du neuf… Une alliance des contraires qui permet ainsi à l’enseigne de réunir dans un même corner le verre Duralex à 1 euro et celui de la créatrice française Laurence Brabant à 25, l’authentique chaise de bistrot Tolix et celle du designer danois Hay ou encore, côté mode, des pièces siglées Stella Mc Cartney et Isabel Marant avec des marques telles que Artford ou Majestic.

Qu’il en soit de l’offre produits comme du reste, la recette du succès ne varie pas. Elle tient dans cette notion de “juxtaposition” de styles sur laquelle l’enseigne a bâti son originalité. “Placer des produits aussi différents côte à côte est un parti pris qui nous permet de refléter l’art de vivre actuel : aujourd’hui, le total look est fini, assène Jean-Luc Colonna. On est de plus en plus dans le métissage des genres et des inspirations.”

Une logique d’anti-segmentation qui a fait ses preuves puisque, en appliquant sur ses produits les mêmes marges que celle de la moyenne du secteur – de l’ordre de 50?% -, Merci a vu son résultat d’exploitation sortir du rouge dès la fin 2011, soit moins de deux ans après son ouverture au lieu des trois ou quatre années d’ordinaire nécessaires au secteur du retail pour atteindre l’équilibre. Mieux : “L’enseigne a tellement profité des marques qu’elle a distribuées qu’elle a désormais une caution suffisante pour créer la sienne”, souligne Chloé Prigent. Ce qu’elle a fait en lançant sous le label “merci merci” quelques références ciblées comme, au rayon maison, une collection de linge de lit en lin froissé et, côté mode, des pièces “d’entrée-milieu de gamme” à 39, 49 ou 69 euros.

Pour le reste, difficile d’établir une quelconque stratégie d’approvisionnement. Jean-Luc Colonna le reconnaît : “Ici la sélection des produits se fait en totale subjectivité et donc, en totale liberté. Nous choisissons ce qui nous plaît uniquement et le mettons en scène comme il nous plaît.” A l’origine de ces arbitrages, quatre têtes chercheuses dont Daniel Rozensztroch, spécialiste reconnu dans le domaine de l’art de vivre, qui se chargent d’opérer cette sélection partout dans le monde et de “chiner des objets qui ont du sens” pour, à l’arrivée, proposer au public “une sélection de produits choisis en raison de leur qualité de style intrinsèque et non parce qu’ils sont à la mode ou qu’il faut en avoir”, explique Jean-Luc Colonna.

Et si cela implique d’exclure d’emblée certaines références – comme les rideaux ou les abat-jours, “sans réelle valeur ajoutée créative” -, qu’à cela ne tienne puisque cela s’inscrit dans le parti pris de subjectivité revendiquée par l’enseigne. Même chose avec le critère du développement durable, utile mais pas nécessaire reconnaît-il volontiers. “Si un produit nous plaît et qu’il a une forte valeur sociale, c’est idéal, mais ce n’est pas un critère de choix car notre métier consiste à avoir l’offre la plus séduisante possible”, explique-t-il. Et qu’importe si cela implique quelques entorses aux règles tacites du moment. “Nous assumons parfaitement le fait de ne rechercher ni l’exhaustivité ni la perfection, poursuit-il. Il existe déjà une multitude de magasins parfaits et parfaitement ennuyeux ; chez Merci, nous pouvons nous offrir le luxe de privilégier l’émotion.”

Pour l’alimenter, quelque 400 fournisseurs dont 50?% sont français et les autres des quatre coins du monde (Japon, Etats-Unis, Afrique du Sud, Liban…) et un travail de repérage quasi permanent opéré dans les salons mais aussi et surtout chez les créateurs, dans les écoles de design, les showrooms et au gré des innombrables propositions qui, chaque jour, sont adressées à l’enseigne. De quoi renouveler 40?% de la collection maison par an et alimenter la curiosité d’une clientèle aussi éclectique que l’offre : fashionistas du monde entier, gens du quartier, jeunes et personnes âgées, étudiants et artistes… La diversité des profils ne surprend pas Jean-Luc Colonna.

Nous sommes un magasin d’objets d’usage, pas un magasin de déco, un magasin pointu mais pas intimidant”, rappelle-t-il avant de relever l’aboutissement que représente une telle diversité pour une enseigne qui, dès l’origine, ambitionnait de réunir dans un même espace des produits et des profils qui, ailleurs, ne se seraient pas rencontrés. C’est chose faite aujourd’hui ; “Preuve qu’il y a dans le monde entier des gens qui cherchent autre chose que ce qu’on leur dit de consommer en page 4 des magazines.” Cela tombe bien, Merci ne fait pas de pub. Ni en page 4 des magazines, ni ailleurs.

Soft marketing

Merci ne communique pas, confirme Chloé Prigent. Hormis par des canaux détournés – ce sont les clients qui le font pour lui.” Parmi ces “canaux détournés”, le choix du nom, dans lequel est induite toute la promesse de la marque, mais aussi celui du logo – “merci” en Helvetica bas-de-casse rouge, simple et épuré, à l’image du reste -, de l’adresse et du mix-produits.

Une version pour le moins allégée de la communication de marque qui, une fois encore, sonne particulièrement juste. “Le fait que la dimension vertueuse de la marque soit très peu communiquée est extrêmement habile car le consommateur, aujourd’hui, a du mal à corréler achat esthétique et achat solidaire”, rappelle Chloé Prigent. Mieux vaut donc la suggérer que la marteler. Ce que font parfaitement les deux messages imprimés sur les sacs du magasin : “Merci de votre achat, de votre temps, de votre sourire…” – et “Ce sac vous servira à mettre vos photos, vos vêtements, vos souvenirs…” qui renforce encore le caractère bienveillant de la marque.

Et si jamais Jean-Luc Colonna était tenté d’en faire plus, aucun risque, il “n’a pas de budget pub !”. Pour compenser, l’enseigne parie sur la presse, les blogueurs et surtout, sur le bouche à oreille – seul véritable levier de communication valable pour un magasin de destination, estime Jean-Luc Colonna. Pour l’alimenter : deux sources. Le produit lui-même, autrement dit l’endroit et tout ce qu’il véhicule, et les événements qui y sont régulièrement organisés. “On est dans la communication très soft, mais chez Merci, tout est communication, résume Jean-Luc Colonna. L’ensemble du magasin est une marque et ce qui la distingue surtout, c’est le vaste travail de scénographie qui y est déployé.”

Lequel passe évidemment par la décoration mais aussi l’aménagement de l’espace, par l’approvisionnement et même par la Fiat 500 située à l’entrée du magasin et qui, après avoir été customisée tour à tour en pirogue, serre et barbecue, recouverte de liberty et de caisses de poisson japonais, est devenue un vecteur de communication spontanée. Un véritable totem pris en photos par les étrangers, à la grande satisfaction du responsable marketing. “Cela prouve qu’il existe un rapport affectif entre Merci et ses visiteurs, ce qui est essentiel : nous avons besoin que nos clients deviennent nos ambassadeurs, explique-t-il. C’est ce lien affectif qui a permis qu’un projet qui ne paraissait pas viable sur le papier devienne un succès.”

A cela s’ajoutent les événements. Une dizaine sont organisés chaque année autour de thématiques aussi diverses que la soie, l’indigo, le up-cycling (le recyclage positif) … Des sujets puisés partout dans le monde et traités à fond trois semaines durant avec une scénographie particulière, une collection d’objets, une exposition… Comme ce fut le cas il y a quelques mois avec le thème du vélo dans la ville à l’occasion duquel Merci a rassemblé des accessoires venus du Japon, des Etats-Unis, du Danemark ou encore d’Angleterre à proximité d’une roue de vélo de 6?mètres de diamètre créée pour l’occasion et installée au cœur du magasin.

Si la vocation marketing de ce type d’opérations coûteuses – en termes d’investissement et de temps puisqu’elles passent par la découverte de 50 à 80 nouveaux fournisseurs du monde entier – est indéniable, Jean-Luc Colonna veut y voir autre chose. Une vocation à part entière. “C’est notre métier, lorsque quelqu’un a du talent à l’autre bout du monde, de le faire savoir”, estime-t-il avant de reconnaître que le bénéfice de ce genre d’événement surdimensionné est double : “Tout est traité comme dans le cadre d’une exposition, mais tout est à vendre.” Impact sur les ventes donc mais aussi sur l’image et l’attractivité des lieux et, au final, sur la fondation et sa capacité d’action… le business model du cercle vertueux en somme.

Chiffres clés

Merci

Date de création : mars 2009

Nombre de salariés : 65

CA 2011 : 10 M s

Répartition du CA :

50 % sur la maison

37 % sur la mode

13% sur la restauration

Résultat : entre 2 et 3%

Nombre de visiteurs annuel : 1 million, dont 40% d’étrangers

*Michel Gutsatz, auteur de Luxury

Retail Management, paru en mars 2012 aux éditions Wiley.

Par Caroline Castets

Entreprise implantée au cœur de sa région et de son pays, Merci a déjà créé plus de 70 emplois permanents. Merci est par ailleurs très heureux de servir de révélateur ou de plate-forme de lancement à de jeunes créateurs qui grâce à cette caisse de résonance peuvent se faire connaître aux nombreux clients et personnalités internationales qui visitent Merci.

Bernard et Marie France Cohen ont voulu ainsi dire MERCI à la vie, MERCI aux talents et aux créateurs qui rendent possible le succès. C’est ce succès qui rend possible leur générosité.

Merci aux clients de Merci qui rendent ce projet possible.

Le fonds de dotation

Le fonds de dotation Merci a pour objet d’agir en faveur de la cause des enfants dans le monde en œuvrant à l’amélioration de leurs conditions de vie, notamment sur les plans sanitaires, sociaux, éducatifs et culturels.

Il bénéficie de dons versés par Merci, d’une dotation personnelle de la famille Cohen ainsi que de donateurs extérieurs inspirés par le modèle. Plus de 300 000 € ont été versés en 3 ans.

Cette idée originale de philanthropie entrepreneuriale, repose sur la volonté de créer, ici en France, une entreprise qui grâce à son succès permette de garantir un financement régulier et pérenne des projets engagés par le fonds de dotation.

Pour assurer la bonne réalisation de ses projets, le fonds s’appuie sur l’expérience de spécialistes de l’intervention humanitaire en milieu hostile. Pour ses premières actions, il a choisi ABC DOMINO, une association Loi 1901 qui a pour but l’amélioration des conditions de vie des populations en situation extrême dans le grand sud-ouest de Madagascar, notamment dans le domaine éducatif (plus d’infos www.abcdomino.org ).

Les premières actions ont pu être engagées dès 2010 :

  • 2010/2011 : financement (35 000€) de la construction de l’école d’Ankilimivony (280 enfants accueillis dès la rentrée de septembre 2011). Financement (10 000 €) des frais de fonctionnement de l’école pour les années scolaires 2011/2012 et 2012/2013.
  • 2012 : Financement (90 000€) de la construction de trois bâtiments dans les écoles d’Ankilimivony, d’Ankilibory et d’Ambola, destinés à accueillir des cantines scolaires dans le cadre d’un partenariat avec le PAM (Programme Alimentaire Mondial) organisme dépendant de l’ONU, ainsi que d’un atelier d’apprentissage à la couture.

Depuis la fin de l’année 2012, plus de 900 enfants bénéficient d’un repas quotidien équilibré dans un cadre agréable et adapté.

L’ambition à moyen terme est de tout faire pour intégrer l’éducation au cœur de cette micro-région du grand sud-ouest malgache et de faire de l’école, seul bâtiment en dur et institution stable, le centre d’un écosystème humain qui assure un véritable développement et non une exception heureuse dans la région.

Non seulement est-Merci (« merci ») l’un des magasins les plus fabuleux à Paris, c’est un magasin avec un cœur … tous les profits de leurs 16 000 pieds carrés de produits de créateurs vont à la charité.

Bernand et Marie-France Cohen, ayant eu beaucoup de succès avec la marque de vêtements de leurs enfants de luxe, Bonpoint, a décidé de développer une façon de « payer au suivant ».

Et ils se demandaient ces questions : Donnez, mais comment ? Comment est-il possible de générer des fonds d’une manière durable sans faire appel à des dons de charité ? Un magasin pourrait combiner la consommation de luxe avec la philanthropie ?

En Mars 2009, avec l’ouverture du concept store parisien, Merci, les réponses ont été trouvées. Tous les profits de la boutique (au-delà des coûts d’exploitation) vont à une fondation qui aidera les femmes et les enfants défavorisés en leur fournissant acquérir des compétences qu’ils peuvent utiliser pour améliorer leur qualité de vie.

Dans un bâtiment du 18ème siècle sur le boulevard Beaumarchais, dans le quartier branché du Marais à Paris, la boutique est un espace contemporain magistrale qui détient plusieurs niveaux de la décoration, des meubles et de la mode, en plus d’une librairie, un fleuriste, plusieurs cafés et un jardin. Le réglage de l’entreprise élégant est un environnement magnifique de béton, le bois et l’acier, meublé avec une combinaison de meubles anciens et artisanaux, et éclairée par de grandes fenêtres et puits de lumière.

Merci est un haut lieu de design avant-gardiste, il est donc assez facile de trouver quelque chose pour aider la cause. Les créateurs de mode y compris Isabel Marant, YSL, Chloé, Stella McCartney, Marni et Paul Smith ont planté en en offrant des pièces uniques à 30-40 quarante pour cent en dessous de leurs prix habituels, et en renonçant à leur part des bénéfices. Marques haut de gamme sont équilibrés avec les bases, ainsi que la marchandise inhabituelle artisan-conçu.

Espérons que d’autres seront inspirés par apport noble et généreux des Cohens au monde. Ils nous ont donné la possibilité de fournir le bonheur des autres, tout simplement en faisant des achats pour nous-mêmes. Magnifique.

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