Charity business : l’envers du décor des ONG

Le magazine Spécial Investigation de Canal+ a enquêté sur les dérives de l’humanitaire.

Des enfants affamés en gros plan, des images de pauvreté partout sur les prospectus ou des appels aux dons en urgence : les ONG culpabilisent parfois le public pour l’inciter à donner aux associations caritatives.

Dans le reportage Charity business : les dérives de l’humanitaire, le magazine Special Investigation de Canal+ s’est penché sur les dérives marketing de l’humanitaire.

Des collectes de dons en pleine rue par des entreprises privées, jusqu’aux « ghettos » de tentes pour réfugiés en Haïti, en passant par les orphelinats au Cambodge, la journaliste Sophie Bonnet dresse le portrait de l’engagement humanitaire, devenu « secteur économique à part entière ».

« Les multinationales de la charité »

Environ 56% des Français estiment donner régulièrement de l’argent à des organisations caritatives : 200 euros par don en moyenne. Au total, près de 3 milliards d’euros atterrissent chaque année dans les caisses des associations françaises. Soit l’équivalent du chiffre d’affaires de la filière française d’Apple.

Pour autant, cette somme énorme n’est pas directement utilisée sur le terrain par les ONG. Elle sert en partie à rembourser les campagnes de collectes de dons réalisées par des entreprises privées.

Pour communiquer, les associations expliquent souvent que chaque euro versé aura un impact direct, en permettant d’offrir un vaccin à un enfant, par exemple. Mais il est évident qu’une partie des dons servent à payer les frais de fonctionnement des ONG. Cette pratique n’a donc rien de choquant pour Pierre Salignon, directeur général de l’action humanitaire à Médecins du Monde : « On est dans un monde économique, avec des règles […] c’est pour mener nos actions de demain. »

Dans ce milieu où l’argent est plus que jamais le nerf de la guerre, le documentaire s’intéresse également au business du tourisme humanitaire. Pour plusieurs milliers d’euros parfois, la visite de bidonvilles ou d’orphelinats par des jeunes est en effet devenue une pratique répandue et source de revenus importants pour des entreprises peu scrupuleuses.

Haïti, terrain de jeu des ONG

Les dérives de l’humanitaire ne se mesurent pas seulement à l’échelle des petites ONG ou associations. Le séisme en Haïti en janvier 2010, l’une des pires catastrophes que les humanitaires ont eu à gérer ces dernières années, en est un parfait exemple.

Au lendemain du désastre, la demi-île des Caraïbes a été un véritable terrain d’entraînement pour les milliers d’ONG, les Etats ou les grandes organisations internationales qui supervisent les programmes d’aide : les Nations Unies ou la Commission européenne, notamment.

Plus de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) ont été récoltés après le séisme. « En 2010 et 2011, le pays était saturé d’argent, dans le sens où il était impossible de dépenser beaucoup plus« , avoue un haut responsable de l’ONU interrogé en caméra caché.

Plus de trois ans après pourtant, Haïti est encore loin de s’être relevée. Des sommes énormes se sont évaporées et les shelters, ces cabanes préfabriquées et provisoires construites à la hâte, continuent de sortir de terre plutôt que des constructions en dur.

Dans cette enquête édifiante et très instructive, Sophie Bonnet soulève ce qui est, selon elle, l’un des paradoxes actuels de l’humanitaire en Haïti : un pays englué dans un état d’urgence sans vision de développement à long terme.

  • Charity business : les dérives de l’humanitaire (52min). Un documentaire de Sophie Bonnet à voir sur Canal+, le lundi 24 juin 2013 à 22h25 (en crypté).

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