Risk management
Une timide reprise grâce à la renaissance de la demande intérieure
Après six années consécutives de récession, la Croatie a bénéficié d’une faible croissance en 2015. Cette reprise devrait se confirmer et gagner légèrement en vigueur en 2016. Cette évolution reflète celle de la demande intérieure qui a rebondi. Après un allègement de leur impôt sur le revenu et des augmentations salariales (les premières depuis 2008) dans le vaste secteur public en 2015, les ménages devraient profiter cette année de la fin du recul du marché de l’emploi pour augmenter leurs achats. L’investissement devrait aussi connaître une légère progression. Elle sera surtout le fait du secteur public grâce à une meilleure absorption des fonds structurels européens. Un terminal gazier sur l’île de Krk, une voie de chemin de fer reliant Zagreb à Rijeka et un système d’irrigation pour la région agricole de Slavonie figurent en tête de liste. Les entreprises privées, comme d’ailleurs les ménages, resteront prudents dans leurs dépenses compte tenu de leur endettement (respectivement 73 et 40% du PIB) et d’un chômage encore élevé (17%, et 40% chez les jeunes). Le tourisme (20% du PIB avec restauration, hôtellerie, transports) et les exportations de produits pétroliers raffinés, d’électricité, de bois, de médicaments, de lingerie, de transformateurs électriques et de turbines devraient encore enregistrer de bonnes performances grâce à une bonne tenue de la demande européenne. Malgré une accélération des importations, la contribution des échanges extérieurs devrait rester légèrement positive.
Des comptes publics fragiles malgré une amélioration pilotée par Bruxelles
Le pays est soumis à la procédure européenne pour déficit excessif. Sous la direction bruxelloise, les comptes publics, qui s’étaient continuellement détériorés avec la contraction de l’activité depuis la crise, s’améliorent lentement. Cependant, si le solde primaire structurel (hors intérêts de la dette représentant 3% du PIB et hors effets conjoncturels) est presque revenu à l’équilibre, suite à l’ajustement centré sur les dépenses opéré depuis 2009, le solde global affiche encore un déficit très élevé qui ne permet pas de stopper l’alourdissement de la dette publique. Néanmoins, celle-ci, libellée pour les trois-quarts en euros, est en grande partie détenue par des investisseurs institutionnels domestiques. Les progrès sont rendus ardus par l’importance de l’économie informelle (28%) et de nombreuses entreprises publiques (un tiers des actifs et un cinquième des emplois de toutes les entreprises) quelquefois peu ou pas rentables et subventionnées à hauteur de 2% du PIB.
Le tourisme, indispensable à l’excédent courant et à l’allègement de la dette extérieure
La balance courante est légèrement excédentaire depuis 2013. L’excédent recouvre un large (14% du PIB) déficit des échanges de biens largement compensé par l’excédent touristique. Toutefois, il est fragile, car largement dû à l’atonie de la demande interne. L’industrie manufacturière locale est relativement peu développée en raison d’une productivité pas en rapport avec le niveau relativement élevé des salaires, ce qui rejaillit sur la compétitivité. Les investissements étrangers (4% du PIB prévus en 2015), émanant essentiellement de l’Union européenne, auparavant concentrés dans le secteur bancaire, affluent dans la construction, l’immobilier, l’énergie et la chimie, ce qui répond aux besoins de développement du tourisme et de ressources en énergie. La dette extérieure représente 100% du PIB, mais devrait s’alléger. Surtout libellée en euro, elle représente un risque de change pour le secteur public (37% de l’encours), ainsi que pour les entreprises non financières (47%) et les banques (16%). Toutefois, le risque est minoré par le fait que son service annuel est intégralement couvert par les réserves de change et l’ancrage de la monnaie locale, la kuna, à l’euro est fermement défendu.
Des banques à capitaux étrangers exposées au risque de change
90% des actifs bancaires appartiennent à des filiales de groupes étrangers, essentiellement autrichiens et italiens. Le secteur est relativement concentré avec quatre établissements disposant d’une part de marché de 67%. Les créances douteuses représentent 17% de leur portefeuille, mais elles sont provisionnées à moitié et la capitalisation élevée (22%) couvre la partie non provisionnée. Le fait que trois quarts de l’encours de crédit au secteur privé, soit 60% du PIB, sont libellés en devises, les expose indirectement à un risque de change. D’ailleurs, conformément à un vote du parlement de septembre 2015, les banques vont devoir convertir à leurs frais les crédits immobiliers en francs suisses (10% des crédits en devises) en euros au taux de conversion d’avant l’abandon par la Banque nationale suisse du cours plafond en janvier 2015. Le coût pour les banques est estimé à trois années de bénéfices.
Un copieux programme de réformes pour un gouvernement laborieusement formé
Lors des élections de novembre 2015, les deux principaux partis, les socio-démocrates du SDP de Zoran Milanovic, au centre-gauche, au pouvoir jusqu’alors, et l’Union démocratique (HDZ) de Tomislav Karamarko, nationaliste de centre-droit, ont remporté, avec leurs alliés respectifs, respectivement, 56 et 59 sièges sur 151 au Parlement. Aucun d’entre eux n’ayant obtenu la majorité absolue, MOST (« le Pont »), nouveau parti créé en 2012 par Bozo Petrov composé d’indépendants et disposant de 15 sièges, devenait faiseur de roi. Fin décembre, Tihomir Oreskovic, un non-politicien, fut désigné comme premier ministre par la coalition de centre-droit avec le soutien de MOST. Avec un programme axé sur la réforme de l’administration, de la justice et du système de santé, et son approche non-partisane, autant de conditions mises par MOST à son soutien, il devrait avoir obtenu un vote de confiance du Parlement en janvier 2016.