Appréciation du risque
Une croissance modeste soutenue par l’aide internationale et vulnérable aux chocs climatiques
En 2015, la croissance haïtienne a été pénalisée par une importante sécheresse ainsi qu’une baisse des investissements publics en lien avec l’instabilité politique et sociale entourant les élections. Une légère reprise de la croissance est attendue en 2016 tirée par la croissance américaine favorisant ainsi les recettes d’exportations (83% des exportations destinées aux Etats-Unis) et la demande intérieure grâce à l’importance des transferts des migrants. D’autre part, de meilleures récoltes devront dynamiser le secteur agricole (20% du PIB) et le renforcement de l’aide internationale stimulera le secteur de la construction à travers le financement de projets d’investissements. En effet, le pays bénéficiera d’un nouveau programme de Facilité de crédit élargie du FMI visant à réduire la vulnérabilité d’Haïti aux chocs extérieurs et soutenir la politique de reconstruction du pays en adressant le problème du déficit d’infrastructures (routes, éducation, santé). Toutefois, la croissance reste très vulnérable aux aléas climatiques et continuera de pâtir d’un climat des affaires très difficile renforcé par les tensions socio-politiques.
Après une forte hausse en 2015 due à une flambée des prix alimentaires et la dépréciation de la gourde, l’inflation devrait encore augmenter en 2016. La persistance d’un dollar fort face à la gourde continuera d’alimenter une inflation importée (biens importés représentent 70% du panier de biens). L’interdiction de 23 importations en provenance de République Dominicaine contribuera aux pénuries des produits alimentaires dont la dynamique des prix reste soumise aux conditions climatiques.
Des déficits courant et public dépendants des dons internationaux
Dans le cadre du programme du FMI, des progrès de consolidation budgétaire ont été réalisés menant à une baisse notable du déficit en 2015. Cependant, il se maintiendra en raison des difficultés du gouvernement à collecter les impôts nécessaires au financement de dépenses publiques incompressibles pour favoriser le développement économique et social du pays. Elles resteront de plus importantes en raison du déficit de la compagnie nationale d’électricité (EDH) et des subventions publiques à l’énergie. Le pays est donc grandement dépendant de la volonté des donneurs et bailleurs internationaux. Le renouvellement du programme de Facilité élargie de crédit en 2015 par le FMI pour un montant de 69,7 millions de dollars devrait financer en partie la dette publique en 2016. La détérioration de la situation macroéconomique vénézuélienne va néamoins pénaliser les crédits concessionnels attribués par le programme PetroCaribe représentant 87% de la dette externe du pays.
Le déficit courant continuera de diminuer sous l’effet du dynamisme des exportations, grâce notamment aux activités du Parc industriel de Caracol et à la croissance américaine. Ainsi, l’industrie du textile devrait profiter de l’accès préférentiel au marché américain permis par l’accord HOPE II (exemption de droits de douane sur les produits textiles jusqu’en 2018). De plus, les prix modérés des matières premières et de l’énergie allègeront le poids des importations, néanmoins importantes en raison de la demande incompressible (pétrole, produits alimentaires). L’excédent de la balance des transferts à travers les dons internationaux et les transferts de fonds des migrants permettra de compenser partiellement le déficit commercial.
Forte instabilité politique et de nombreux défis attendent le nouveau président
L’année 2015 a été marquée par de fortes violences suite aux accusations de fraude lors du premier tour des élections présidentielles d’octobre 2015 par le candidat du parti au pouvoir Jovenel Moise. Elles ont mené au report du second tour des élections présidentielles par le Conseil électoral provisoire (Cep), devant normalement être tenu le 27 décembre 2015. L’instabilité politique et les troubles sociaux que l’élection engendre devraient persister jusqu’à ce qu’un nouveau président soit investi. La très grande fragmentation de la scène politique haïtienne confirmée par les résultats des élections parlementaires et sénatoriales laisse à penser que le nouveau président ne bénéficiera pas d’une majorité parlementaire et sera contraint dans l’implémentation, pourtant cruciale, des réformes économiques et sociales. Devant la lenteur de l’exécution des politiques de relogement et l’augmentation du coût de la vie, des mouvements de protestation très violents persistent et renforcent la précarité de la situation sécuritaire. En réponse à ce climat politico-économique instable, les Nations Unies ont décidé de prolonger le mandat de leur mission de stabilisation (Minustah) jusqu’en octobre 2016 pour faciliter le processus de transition politique et la reconstruction. En revanche, la Mission fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la population locale qui souhaite son départ. Dans un environnement des affaires déjà critique (182ème sur 189 dans l’étude Doing Business 2016 de la Banque Mondiale), un apaisement politique et social est souhaitable pour favoriser les flux d’aide internationaux. Sur le plan diplomatique, les relations avec la République Dominicaine, compliquées depuis la décision en 2013 de la justice dominicaine de refuser la nationalité dominicaine aux descendants de migrants « en transit » nés depuis 1929 (rendant de facto des dizaines de milliers de personnes apatrides), devraient perdurer. Haïti a même décidé d’interdire l’importation de 23 produits en provenance de République Dominicaine.
Source : COFACE