Devant les boutiques de souvenirs, dans les fenêtres des restaurants, accrochés aux miroirs des taxis: des drapeaux américains flottent partout ces jours-ci dans la capitale cubaine.
Après plus de 50 ans d’embargo des États-Unis, l’assouplissement récent de certaines règles permet enfin à des visiteurs américains de fouler le sol de l’île, offrant à Cuba de nouveaux et vastes horizons.
La Havane était en effervescence, début mai, à l’image de la folie qui assaille présentement le pays. En plus d’accueillir la 36e édition de la Foire internationale du tourisme de Cuba, où pour une première fois 200 invités venaient des États-Unis, la ville a vu accoster à son port le premier paquebot américain depuis un demi-siècle, a été le théâtre du tournage de scènes du huitième film Rapides et dangereux, a été l’hôte du défilé de la nouvelle collection de Chanel et a reçu la visite de la pulpeuse Kim Kardashian et son amoureux, Kanye West.
Et ce n’est sûrement que le début pour Cuba. Même si pour le moment les Américains ne peuvent toujours pas prétexter un simple voyage pour se rendre sur l’île communiste, ils ont depuis peu le droit d’y séjourner si leur projet s’inscrit dans une des 12 catégories autorisées par Washington: pour des raisons d’affaires, culturelles ou sportives, par exemple.
«Cuba est encore le seul pays au monde où l’achat d’un forfait touristique est interdit aux Américains», a rappelé le ministre du Tourisme de Cuba, Manuel Marrero Cruz, lors de la foire touristique. Malgré tout, l’assouplissement des règles américaines a contribué à la visite de 161 233 visiteurs américains en 2015, soit une augmentation de 76 % par rapport à 2014.» Et la croissance est encore plus marquée depuis le début de 2016.
Cuba prise d’assaut
Cet engouement des Américains pour ce qui est pour eux une «nouvelle destination» fait bien sûr mousser l’intérêt des touristes du monde entier qui espèrent voir Cuba avant que les Américains envahissent les lieux, que tout y change ou que les prix montent en flèche. Résultat: depuis deux ans, l’île connait une augmentation annuelle de 17 % en terme de visiteurs internationaux.
D’ailleurs, selon le ministre du Tourisme, le plus grand défi du pays est d’arriver à bien «gérer cette avalanche de visiteurs». Pour répondre à la demande présentement plus grande que l’offre, le gouvernement cubain prévoit la rénovation des aéroports et des ports, la construction de plusieurs nouveaux hôtels et la restauration d’établissements existants. À La Havane, certains secteurs sont déjà en chantiers.
Devant une telle popularité, des difficultés à réserver des hébergements ou une possible flambée des prix, les Cubains ont peur que leur premier marché depuis 1998, le Canada, les laisse tomber. Plusieurs fois pendant la foire, le ministre du Tourisme a réitéré sa volonté de préserver la relation.
Déjà, cette année, une diminution des visites canadiennes est observée. «Mais nous avons une stratégie pour augmenter les arrivées. Jamais nous n’abandonnerons nos amis qui ne nous ont jamais abandonnés lors des moments difficiles», a dit Manuel Marrero Cruz.
Poussée par la volonté de ne pas perdre son partenaire, Cuba a d’ailleurs décidé d’intensifier ses liens avec le Canada en augmentant les échanges touristiques. Entre autres, l’ITHQ de Montréal et Cuba feront cette année des échanges d’étudiants et de stagiaires du milieu touristique.
Avenir incertain
Les nombreux drapeaux américains qui flottent dans les rues de La Havane ces jours-ci en témoignent: les Cubains semblent pour la plupart heureux de l’évolution de la relation entre les deux pays. Mais ils sont aussi inquiets. Parce qu’en même temps que les drapeaux, une incertitude flotte dans l’air chaud de Cuba. Est-ce que le pays arrivera à faire face à la demande? Est-ce que les prix des biens augmenteront? Est-ce que le visage du pays changera? Pour le moment, ce qui est certain, c’est que Cuba fait face à de grands défis.