Une dizaine d’alpinistes étrangers y ont été abattus en 2013 par des islamistes armés, d’autres y ont péri sur ses flancs escarpés, et pourtant le Nanga Parbat continue d’attirer les amoureux de l’extrême sur ses cimes enneigées dans le nord du Pakistan.
Et ces fous de l’escalade le répètent encore et encore: il y a un je-ne-sais-quoi, une attraction presque fatale qui les poussent depuis des décennies vers cette montagne (8126 mètres) nichée dans les contreforts de l’Himalaya.
En juin 2014, dix alpinistes étrangers et leur guide pakistanais avaient péri avant même de s’attaquer à ces parois les plus inhospitalières, assassinés dans un camp de base par des rebelles islamistes, un attentat qui avait plombé l’industrie touristique locale.
Mais cette attaque n’a pas empêché les plus téméraires de repartir en quête de leur inaccessible étoile, comme l’Italien Simone Moro, de retour d’une nouvelle épopée infructueuse: il voulait être le premier homme à atteindre le pic du Nanga Parbat… en plein hiver.
La première ascension du Nanga Parbat, la «montagne nue» en ourdou, la langue nationale du Pakistan, revient à l’Autrichien Herman Buhl en 1953. Les frères Gunther et Reinhold Messner avaient gravi son sommet en 1970 en passant, pour la première fois, par le versant du Rupal, paroi rocailleuse verticale de quatre kilomètres à donner des frissons aux plus aguerris.
«Là, j’ai été traversé par des sentiments puissants, étranges, des sentiments que je n’avais jamais éprouvés auparavant au pied d’une montagne», confie Moro, 46 ans, un grand blond au crâne un tantinet dégarni.
«Le Nanga, ce n’est pas seulement une montagne, c’est un univers en soi, à découvrir et explorer», s’extasie-t-il. « Et le versant du Rupal, c’est comme une planète géante qui se tient droit devant vous, qui vous séduit, qui vous demande de l’escalader », dit-il, envoûté.
Une montagne de paperasse
L’attentat de juin dans les confins de l’Himalaya a frappé la communauté des alpinistes passionnés par le Pakistan. «Je ne pouvais y croire, je me disais: « mais comment des terroristes ont-ils réussi à se rendre jusque là »», souligne l’alpiniste allemand David Goettler.
«Je suis venu six fois au Pakistan et j’ai toujours eu une super relation avec les gens du pays».
«Je considérais le Nanga Parbat comme l’endroit le plus sûr du Pakistan», pays affligé régulièrement par des attentats talibans et d’autres groupes armés, renchérit Simone Moro.
Accéder ne serait-ce qu’au pied de cette montagne plantée dans la région pakistanaise de Gilgit-Baltistan (nord-est), peut aussi s’avérer un parcours du combattant tant la manne des visas de tourisme s’est tarie.
«C’est vrai qu’il faut littéralement se battre pendant six ou sept mois pour obtenir les visas, le pays devrait plutôt ouvrir ses portes aux touristes», admet Moro.
Un sentiment partagé par Ashraf Aman, premier alpiniste pakistanais à avoir escaladé le K2 (8611 mètres) et aujourd’hui à la tête d’une petite société de tourisme spécialisée dans le trekking.
«C’est très difficile d’obtenir les visas et si un touriste est chanceux et qu’il en obtient un, il regrette sa décision dès qu’il arrive au Pakistan, car les services de renseignement lui posent un tas de questions à chaque endroit qu’il visite», déplore-t-il.
Pourtant, le Gilgit-Baltistan, carrefour de l’Hindou Kouch et des massifs du Karakoram traversé par 18 des 50 monts les plus élevés au monde, ne demande qu’à accueillir son lot de visiteurs.
Les alpinistes y sont tout simplement hypnotisés par le défi herculéen que représente l’ascension de ses montagnes majestueuses foulées par des légendes comme Reinhold Messner, Steve House et Tomaz Humar.
«Escalader le Nanga Parbat c’est comme traverser un océan ou un désert. Il faut viser le sommet avec une seule idée: aller du point A au point B en passant au travers un néant périlleux», soupire Moro.