À partir du VIe siècle av. J.-C. (et pendant une longue période de son histoire ultérieure), le “proto-Azerbaïdjan” faisait partie de l’Empire perse. Le zoroastrisme était la religion dominante. Vers le IVe siècle av. J.-C. apparut l’État d’Arran, aux frontières mal définies. On l’appelait aussi “Albanie caucasienne” (sans rapport aucun avec l’actuelle république balkanique). À partir de l’an 325, les Albaniens adoptèrent le christianisme. Ils érigèrent de nombreuses églises. Les ruines de certaines d’entre elles sont d’ailleurs parvenues jusqu’à nous. L’histoire de ces Albaniens du Caucase est d’une extrême importance politique pour les Azerbaïdjanais d’aujourd’hui. En effet, ils arguent du “fait”, contesté, qu’ils n’ont jamais été arméniens.
L’époque musulmane
Au VIIe siècle, avec l’avancée des Arabes en Albanie du Caucase, l’islam devint la religion prédominante. Pour les vagues ultérieures d’envahisseurs turciques, gardiens de troupeaux et cavaliers, les plaines herbeuses du “proto-Azerbaïdjan” constituaient des pâturages de choix. C’est donc sur ce territoire que se concentra le groupe ethnique des Turcs caucasiens, tandis que les chrétiens caucasiens se repliaient dans les contreforts.
L’époque culturelle classique s’épanouit au XIIe siècle dans les villes de Qabala (Qәbәlә), Barda (Bәrdә) et Nakhitchevan. Şamaxı devint la capitale de Şirvan. La prééminence régionale de Gandja (Gәncә) était quant à elle symbolisée par le poète classique “national” Nizami Gandjavi (Gәncәvi). Mais à partir du XIIIe siècle, ces villes furent réduites en poussière par les Mongols, par Tamerlan et par plusieurs séismes.
Au bout de deux siècles, et grâce à l’expansion du commerce caravanier, Şirvan se releva de ses cendres. Ses dirigeants, les chahs de Chirvan (Shirvanshahs), remportèrent une importante victoire en 1462 en s’emparant d’Arbadil (sud de l’Azerbaïdjan, aujourd’hui en Iran). Mais ils perdirent ce territoire en 1501. Convertie à l’islam chiite suite à cette défaite, Şirvan se rapprocha du sud de l’Azerbaïdjan sous le règne des chahs séfévides azéris qui contrôlèrent in fine tout l’Empire perse.
Au début du XVIIIe siècle, un ensemble de khanats musulmans autonomes apparut dans tout l’Azerbaïdjan. Toutefois, la Perse reprenant de la vigueur, ils voulurent préserver leur indépendance. Plusieurs khanats s’unirent donc et demandèrent assistance à la Russie. Mal leur en prit. L’Empire russe ne tarda pas à annexer de nombreux khanats du Nord. Les tentatives avortées de la Perse pour les reprendre débouchèrent sur d’autres annexions russes : celles des khanats de Şirvan, Karabakh, Nakhitchevan, Talysh et Erevan. Cette humiliation fut entérinée par le traité de Golestan (1813) et par le traité de Turkmenchai (1828).
La période russe
Afin de consolider leur pouvoir sur les territoires nouvellement acquis, les Russes encouragèrent l’immigration de chrétiens, en particulier des sectes non-orthodoxes de Russie, des Allemands du Wurtemberg et des Arméniens de l’Empire ottoman. Cette manœuvre sema indirectement les graines des conflits ethniques de 1905, 1918 et 1989.
Dans les années 1870, les nouveaux usages que l’on fit du pétrole lancèrent l’essor de la petite ville de Bakou. Dès 1905, elle fournissait la moitié de la production mondiale de pétrole, engrangeant d’immenses richesses. Ce boom s’accompagna d’une renaissance culturelle mais aussi de l’émergence d’une “sous-classe” d’ouvriers qui vivaient dans de terribles conditions. Exploitées par le jeune Staline, leurs récriminations enflèrent jusqu’à déboucher sur une décennie de chaos révolutionnaire, marquée par d’atroces affrontements interethniques.
L’indépendance et la conquête soviétique
La Révolution russe de 1917 marqua la fin du régime tsariste. Avec en toile de fond une Première Guerre mondiale à l’issue encore incertaine, l’Azerbaïdjan succomba aux conflits internes. À Gandja, en 1918, le pays fut proclamé première “démocratie” du monde musulman. Bakou n’accepta cette formulation qu’une fois libérée des forces prorusses avec l’aide de l’armée d’invasion turque. Les Turcs se retirèrent rapidement, laissant son indépendance à la République démocratique d’Azerbaïdjan (RDA ; Azәrbaycan Xaiq Cümhuriyyәti). Cette entité séculière progressiste, dont les Azerbaïdjanais demeurent immensément fiers, vécut à peine deux ans.
L’Armée rouge l’envahit en 1920. En 1922, elle l’intégra à la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie (aux côtés de la Géorgie et de l’Arménie), prélude à l’URSS. Plusieurs modifications frontalières à cette période réduisirent peu à peu le territoire azerbaïdjanais au profit de l’Arménie. Pour finir, Nakhitchevan se retrouva complètement coupée de la RSS d’Azerbaïdjan. Grâce à l’insistance farouche de Nariman Narimanov, “père du communisme” azerbaïdjanais, le Haut-Karabagh resta dans le giron de la nation. Mais l’entêtement de Narimanov lui valut d’être empoisonné en 1925. Son successeur, Mir Jafar Bağirov, supervisa aveuglément les purges staliniennes. Plus de 100 000 Azerbaïdjanais furent tués ou déportés en camps de concentration, pour ne jamais revenir. Suite à la “détente” de l’ère Khrouchtchev, Bağirov fut lui-même arrêté et assassiné.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler ne cacha pas son intention de faire main basse sur les richesses pétrolifères de Bakou. L’Allemagne était en effet pauvre en ressources énergétiques. Par chance, l’armée allemande s’enlisa lors de la bataille de Stalingrad. Ayant néanmoins compris la vulnérabilité potentielle de la ville, les ingénieurs soviétiques exploitèrent de nouveaux champs pétrolifères dans la lointaine Sibérie après la guerre.
À la fin des années 1980, la Perestroïka fut également une période de tension croissante avec l’Arménie. Les conflits entre Arméniens et Azerbaïdjanais concernant le statut du Haut-Karabagh dégénèrent pratiquement en nettoyage ethnique comme les minorités des deux républiques fuyaient devant l’escalade de la violence. Le 20 janvier 1990, l’intervention grossièrement maladroite de l’Armée rouge à Bakou fit des dizaines de victimes parmi les civils. Cette opération monta l’opinion publique contre l’Union soviétique. L’Azerbaïdjan déclara son indépendance en 1991.
L’Azerbaïdjan de nouveau indépendant
Le massacre de plus de 600 civils azerbaïdjanais par les troupes arméniennes à Khodjaly, le 26 février 1992, déclencha la colère de l’opinion publique à l’égard du président Ayaz Mutalibov, premier président de l’Azerbaïdjan postsoviétique. Jugé trop irrésolu, il fut évincé et remplacé en juin 1992 par Aboulfaz Eltchibeï. Celui-ci dut fuir un an plus tard à cause de la rébellion des militaires. C’est alors que revint sur le devant de la scène Heydar Aliyev. Président du Parlement, il avait été Premier secrétaire du Parti communiste d’Azerbaïdjan dans les années 1970, et membre du Politburo de l’URSS dans les années 1980. Aliyev stabilisa le pays, relança les investissements internationaux dans l’industrie pétrolière et signa un accord de cessez-le-feu avec l’Arménie et le Haut-Karabagh en mai 1994. Néanmoins, environ 16% du territoire azerbaïdjanais demeura (et est encore) sous occupation arménienne. En vingt ans, à cause du “conflit gelé”, environ 800 000 Azerbaïdjanais se sont retrouvés chassés de chez eux ou déplacés. Malgré la profonde transformation économique du pays liée depuis 2005 au boom pétrolier, le sort de ces gens reste incertain. Les reloger de façon permanente pourrait être considéré comme un aveu de défaite. Or, à en juger par les constantes revendications des médias, ajoutées au regain de dépenses militaires, l’Azerbaïdjan semble déterminé à récupérer un jour au moins une partie des “territoires perdus”.
Bien que décédé en 2003, à l’âge de 80 ans, Heydar Aliyev (www.Heydar-Aliyev.org) est toujours considéré comme le “leader national” de l’Azerbaïdjan. Ses portraits sont omniprésents, et chaque ville possède un nouveau musée ou un parc en son honneur. Son fils İlham a repris le flambeau de la dynastie.
L’Azerbaïdjan aujourd’hui
Ces dix dernières années, l’Azerbaïdjan a connu un redressement économique étonnant. L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), d’un montant de 4 milliards de dollars, a en effet commencé à transporter le pétrole de la mer Caspienne vers la Turquie au moment même où les prix de l’or noir se sont envolés. Si les champs pétrolifères azerbaïdjanais ne se sont pas révélés aussi riches que prévu, on a découvert d’importants gisements de gaz naturel. Dans le même temps que l’argent rentre en abondance dans les caisses de l’État, on assiste au boom de la construction, en particulier à Bakou et Qabala (Qәbәlә). Dans tout le pays, on modernise les routes, on rénove les bâtiments, et l’on érige de nouvelles statues d’Heydar Aliyev dans les parcs.
L’optimisme lié à ce développement est entaché de nombreuses accusations de népotisme, de corruption et d’entrave à la liberté de la presse. Toutefois, l’ONG Transparency International fait état d’améliorations depuis 1999. Les libertés politiques demeurent restreintes, et les élections ne sont pas toujours entièrement régulières. Nul doute cependant que le président İlham Aliyev est admiré par une grande majorité de la population. Mais, parmi les plus âgés, beaucoup ont la nostalgie de l’époque “plus juste” de l’URSS. Tout le monde avait du travail, et le fossé entre les agriculteurs pauvres et les “biznizmen” richissimes conduisant des Mitsubishi Pajero n’existait pas. Sur le plan politique, le problème majeur concerne le Haut-Karabagh. Dans leur ensemble, les Azerbaïdjanais ne comprennent pas pourquoi le reste du monde ne se range pas de leur côté, afin qu’ils récupèrent les territoires occupés par les Arméniens depuis le début des années 1990. Tous prennent très à cœur la spoliation continuelle de centaines de milliers de déplacés internes. Les Arméniens sont souvent désignés comme source de tous les maux du pays, et l’idée d’une guerre qui permettrait de regagner les territoires perdus n’est pas à écarter totalement dans les années à venir.