Appréciation du risque
Le pays tombe progressivement dans le chaos malgré un accord le 6 décembre
Depuis la chute, fin août 2011, du régime du colonel Kadhafi, la situation politique en Libye est instable. Le chaos sécuritaire s’est récemment doublé d’une crise institutionnelle suite à l’invalidation par la Cour suprême de Libye de l’élection de la Chambre des représentants. La Libye est depuis régie par deux gouvernements et deux parlements. D’une part, la Chambre des Représentants (CDR), reconnue par la communauté internationale siège à Tobrouk, dans l’extrême est du pays. De l’autre, le Congrès Général National (CGN), sous la coupe de la coalition des Forces Aube de la Libye « Fajr Libya », garde le contrôle de Tripoli. Le pays est également traversé par la menace djihadiste suite à la prise de position de Daech dans la province de Syrte. Ce dernier, qui entend faire de la Libye sa zone de repli à mesure que les frappes s’intensifient en Irak et en Syrie, contrôle près de 25 % du territoire et constitue une menace pour l’unité du pays. Après plusieurs tentatives de dialogue avortées sous l’égide des Nation Unies, les deux gouvernements sont parvenus à un accord le 6 décembre à Tunis. Cet accord devrait permettre la création d’un gouvernement de transition. La désignation d’un premier ministre serait à la charge d’un comité de dix personnes, dont cinq seraient issues du CGN et cinq autres de la CDR. De mêmes deux vice-présidents issus des deux formations devrait accompagner la formation du gouvernement de transition. Bien que cet accord semble être un premier pas vers une solution à la crise libyenne, la Libye reste un territoire morcelé entre des zones de non droit, des parties sous influence tribale et la multiplication des milices.
Une crise économique aux répercutions de long terme
Les perspectives économiques libyennes dépendent d’une reprise de la production pétrolière qui reste pénalisée depuis 2014 par l’aggravation de la crise sécuritaire et politique dont souffre le pays. La production d’hydrocarbures qui représentait 65 % du PIB en 2014 n’a cessé de se contracter depuis le début de la guerre civile passant de 1,7 Mb/j en 2010 à 0,4 Mb/j en 2015. En 2016, la croissance économique sera caractérisée par une forte volatilité induite par une production pétrolière fluctuante. Le faible prix du baril de Brent en 2016 limiterait d’autant la contribution des exportations pétrolières à l’activité entrainant une baisse des recettes d’exportations. Les affrontements qui sévissent entre les différentes milices qui se partagent le territoire endommagent de manière durable les infrastructures pétrolières et éloignent les perspectives d’un retour de la production au niveau de 2010. Les difficultés d’approvisionnement et de circulation ainsi que la rareté entrainent un accroissement des pressions inflationnistes sur les biens alimentaires, le prix de l’immobilier ainsi que les transports. Ces pressions généralement atténuées par les subventions gouvernementales élevées sur la nourriture, le carburant et l’électricité pourraient voir leur poids s’accroitre si la réforme des subventions envisagée par la banque centrale venait à être appliquée.
Déficits jumeaux abyssaux et renforcement du risque souverain
Après avoir cumulé d’importantes réserves financières, la Libye fait désormais face à de graves déficits budgétaires. L’extrême dépendance des finances publiques à l’égard du secteur des hydrocarbures a entrainé un effondrement des recettes budgétaires à mesure que la production de pétrole diminuait. Dans un contexte de bipolarisation politique, la banque centrale est restée en charge de la politique budgétaire et monétaire du pays allouant à chacun des gouvernements une partie des ressources financières disponibles. Face à la baisse des recettes, la banque centrale continue de financer ce qui reste des institutions et services publics en puisant dans les importantes réserves de change accumulées sous le régime de Kadhafi. Cependant les réserves libyennes s’amenuisent rapidement passant de 111 Mds en 2012 à moins de 40 Mds en 2016 d’après les projections du FMI. Des mesures seraient envisagées par la banque centrale dans le but de réduire le poids des dépenses budgétaires dont une réforme du système de subventions en 2016. Mais ces mesures ne seront pas sans conséquences sur le niveau de vie des ménages fortement éprouvé par la crise politique et sécuritaire.
Le recours à l’endettement auprès des banques commerciales a conduit à une augmentation significative du niveau de dette publique. Le risque souverain est d’autant plus important que l’endettement croît alors que les réserves s’effondrent. Les fonds de la Libyan Investment Authority, estimés à 67 milliards de dollars en 2015 ont quant eux été gelés par le conseil de sécurité de l’ONU dans l’attente d’une solution à la crise politique.
La baisse de la production de pétrole, le faible prix du baril de Brent et la difficulté d’accès aux zones portuaires ont entrainé une baisse des recettes d’exportation de 60 Mds USD en 2012 à 5 Mds USD en 2015 alors même que les besoins en biens importés restaient inchangés. Les dommages causés aux installations pétrolières ne devraient pas permettre une reprise des exportations à moyen terme. Aussi, on s’attend à ce que le déficit du compte courant se prolonge dans les années à venir.