Appréciation du risque
Une croissance pénalisée par la crise politique, les faibles prix des matières premières et le manque d’infrastructures
La crise politique et sécuritaire ainsi que la chute du cours du café (- 40 % entre septembre 2014 et septembre 2015) a entrainé une récession en 2015. La croissance devrait rebondir en 2016 portée par le secteur de la construction qui devrait bénéficier des projets publics d’infrastructures prévus, notamment hydroélectriques, soutenus par la Facilité Elargie de Crédit du FMI. Par ailleurs, une plus grande intégration avec la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est) devrait également favoriser l’investissement dans le secteur du commerce. L’activité dépend cependant principalement de la production agricole, qui contribue à plus d’un tiers du PIB et emploie près de 80 % de la population. Or la croissance de la production agricole devrait continuer à souffrir du manque de productivité, de difficultés d’accès au financement et des perturbations liées à l’instabilité politique. Malgré l’adoption d’un nouveau code minier fin 2013, le développement des mines industrielles de nickel reste bloqué par des problèmes d’approvisionnement en énergie et le manque d’infrastructures. Le secteur des services risque lui d’être pénalisé par les fermetures d’entreprises et la fuite des investissements induites par l’instabilité politique et sécuritaire. La forte demande d’importations qui provient du manque de capital du secteur de la construction et du besoin de produits alimentaires et d’hydrocarbures, continuerait de peser sur l’activité.
L’inflation a augmenté en 2015 sous l’effet du relâchement de la politique budgétaire avant les élections et de la crise sécuritaire provoquant un accès restreint aux biens alimentaires et donc une hausse des prix alimentaires domestiques. Elle devrait s’atténuer en 2016 au regard d’une stabilisation de la situation politique.
Un déficit des comptes public et courant aggravé par la crise politique
Le déficit public s’est creusé en 2015 et devrait rester à un niveau élevé en 2016. En effet, les dépenses publiques restent importantes en biens et services, majoritairement importés, en infrastructures et en dépenses militaires. Les salaires des fonctionnaires devraient également se maintenir à un niveau élevé. D’autre part, les recettes tendent à se réduire, notamment en raison de l’alignement de l’impôt sur les sociétés sur celui de la CAE et de la crise politique et sécuritaire qui conduit les bailleurs de fonds à conditionner le versement de leur aide à l’amélioration de la situation politique. Le pays est très dépendant des aides internationales et la réduction voire la suppression de ces dernières aurait un impact majeur sur le déficit budgétaire et l’économie du Burundi.
Le déficit courant hors dons devrait rester très important en 2016. En effet, concernant la balance commerciale, les importations pèsent d’autant plus que la base d’exportations, dominée par le thé et le café, reste très limitée. En outre, le faible cours du café depuis début 2015 devrait continuer à avoir un impact négatif sur la balance commerciale. De plus, les aides financières extérieures (dons) devraient continuer à se réduire au regard de la situation sécuritaire.
La persistance d’importants déficits public et courant, conjugués à une forte dépendance à l’égard de l’aide internationale, fait peser un risque de surendettement dans les années à venir. Ces déficits mettent aussi sous pression le franc burundais, qui devrait continuer à se déprécier lentement face au dollar malgré les interventions de la Banque Centrale pour défendre sa monnaie.
Le pays à la limite de la guerre civile
Alors que le Burundi avait réalisé d’importants changements politiques en faveur de la démocratie depuis la fin de la guerre civile en 2005 et que tous les indicateurs économiques et sociaux étaient au vert, le pays semble être à nouveau au bord de la rupture. La situation au Burundi s’est en effet soudainement dégradée suite à la réélection du président Pierre Nkurunziza le 21 Juillet 2015.
Alors que ce dernier avait déjà réalisé deux mandats, il a violé la Constitution en se faisant réélire pour un troisième mandat. Cette élection a suscité de nombreuses manifestations de la part de l’opposition ainsi que de la population, d’autant plus qu’elle a été largement critiquée par les observateurs internationaux. Les tensions sont désormais maximales entre le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et l’opposition ainsi que la société civile. Elles sont alimentées par plusieurs assassinats dont celui du général en chef de la police Adolphe Nshimirimana, bras droit du président Nkurunziza, et C.Harerimana, le président du parti au pouvoir, début août 2015. Considérée aujourd’hui comme une milice par les organisations internationales, l’aile jeune du CNDD-FDD, fidèle au pouvoir, a organisé en représailles des attaques au sein du pays. De violents affrontements ont de plus eu lieu en décembre entre les forces de l’ordre et de jeunes insurgés faisant plus de 90 morts. Dans ce contexte, l’environnement des affaires restera fortement dégradé.
La crise au Burundi et la fuite d’environ 200 000 réfugiés selon l’ONU depuis l’été 2015, fait peser un risque de contagion sur les autres pays de la région des grands lacs, déjà marqués par des frontières poreuses, une instabilité politique et des conflits ethniques. A ce titre les relations diplomatiques entre le Burundi et le Rwanda se sont dégradées fin 2015. Le pays contribuant à la mission de l’Union Africaine en Somalie, il est aussi sous la menace d’une attaque terroriste des Shebab.